Mes soi-disant souvenirs

J’ai oublié mon enfance. Toute mon enfance. Je ne me rappelais rien avant mes huit ou neuf ans. Je me suis mis à reconstruire le temps perdu avec les vidéos de mon enfance, avec ce que ma famille me racontait. Et puis, très vite, les souvenirs ont commencé à venir, des tas de souvenirs qui remplissaient les lacunes de ma tête. Mais j’ai alors découvert que toutes ces réminiscences étaient fausses. Des preuves documentées m’ont démontré à plusieurs reprises que mes soi-disant souvenirs étaient en réalité des constructions imaginaires, des contes que mon cerveau blessé inventait activement pour reboucher le trou, pour remplir l’insupportable vide. Car le cerveau humain est un magicien, un prestidigitateur, un narrateur incontinent qui réécrit constamment la réalité, qui nous la traduit et la réinvente.

Rosa Montero (Le poids du cœur)

3 commentaires sur “Mes soi-disant souvenirs

  1. Tous les souvenirs sont avant toute chose une construction de l’imaginaire. D’abord, ceux que l’on nous raconte et ensuite ceux qu’on se dit à soi-même. Souvenirs sans cesse construits et reconstruits selon l’âge que l’on vit. Souvenirs d’adolescence? Révolte envers nos parents. Souvenirs de vieillesse? Reconnaissance et regrets alors qu’ils nous ont quitté depuis trop longtemps.

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