Au camp

Je peux affirmer qu’il y a des notions que nous ne pouvons comprendre totalement que dans un camp de concentration. Dans les contes stupides de mon enfance apparaissait fréquemment le personnage du “vagabond” ou de “brigand” qui entre au service du roi pour obtenir la main de la princesse, et ce, avec plaisir, car le prix à payer se résume en tout et pour tout à sept jours. “Mais sept jours chez moi sont sept années”, lui dit le roi ; eh bien, je peux dire la même chose à propos du camp de concentration. Je n’aurais jamais cru, par exemple, que je me transformerais si vite en un vieil homme flétri. Au pays, il faut du temps pour cela, cinquante ou soixante ans au moins ; au camp, trois mois ont suffi pour que mon corps me trahisse. Je peux affirmer qu’il n’y a rien de plus pénible, de plus décourageant que de relever, de comptabiliser jour après jour ce qui meurt en nous.
Imre Kertész

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