L’écrivain, la solitude

Voyez- vous, un écrivain travaille solitairement, est jugé dans la solitude, surtout se juge lui-même dans la solitude. Ce n’est pas bon, ce n’est pas sain. S’il est normalement constitué, une heure vient où il a besoin du visage humain, de la chaleur d’une collectivité. C’est même l’explication de la plupart des engagements d’écrivain : le mariage, l’Académie, la politique. Ces expédients n’arrangent rien d’ailleurs. On n’a pas plutôt perdu la solitude qu’on se prend à la regretter, on voudrait avoir, en même temps, les pantoufles et le grand amour, on veut être de l’académie sans cesser d’être anticonformiste, et les engagés de la politique veulent bien qu’on agisse et qu’on tue à leur place mais à condition qu’ils gardent le droit de dire que ce n’est pas bien du tout.

Albert Camus (Pourquoi je fais du théâtre?)

Le passé des autres

L’ingratitude irréfléchie est l’armure des jeunes; sans cela, comment traverseraient-ils l’existence?… S’ils ne se protégeaient pas derrière une façade revêche et la désinvolture, tous les enfants seraient écrasés par le passé – le passé des autres, qu’on leur collerait sur les épaules. C’est l’égoïsme qui les sauve.

Margaret Atwood