Je ne leur raconte pas

Lorsqu’ils avaient raconté d’où ils arrivaient, on avait voulu les interner avec les fous. Il en avait conclu qu’il valait mieux se taire. Ce jour-là, sur les quais, il m’a juste dit, en me montrant discrètement son matricule : “J’étais à Auschwitz. Je ne leur raconte pas, ils ne comprennent rien”.

Marceline Loridan-Ivens (Et tu n’es pas revenu)

Une vie de silence

J’aime tout dans la solitude, surtout le silence. La maison qui craque la nuit est apaisée le jour. Ce sont les bruits sournois qui inquiètent, quand ils surgissent comme autant de menaces dans l’obscurité. Le silence se manifeste quand on lui en laisse le temps. Il est doux et ouaté, il envahit tout l’espace et l’habite de sa présence bienveillante. Le silence arrondit les gestes et accompagne les pensées. Je n’ai pas beaucoup d’idées sur l’avenir qui m’attend. Et aucun désir d’y réfléchir plus longuement. L’avenir ne m’intéresse pas. Mais une vie qui soit faite tout entière de silence, est-ce qu’elle ne serait pas préférable à toutes les autres ?

Kéthévane Davrichewy

L’amour menteur

L’amour est un grand menteur, un grand dissimulateur. Il vous force à tout donner puis s’en va, repu, ennuyé, à la recherche d’autres cœurs à dévaliser.
Katherine Pancol (Un homme a distance)

La solitude

Ce qui me bouleverse chez autrui est toujours lié à la solitude. C’est toujours là où je sais que la rencontre peut avoir lieu. Qu’elle dure une seconde ou qu’elle aille sur plusieurs années, ça n’a aucune importance parce que ce n’est plus de l’ordre du temps.
Christian Bobin (Dialogue sur la solitude)

Réclamer du sens

Je déteste qu’on attende du réel quelque chose comme un sens. C’est déjà une façon de tricher avec le monde. L’altérité me paraît bien plus proche de ce que la vie offre à vivre que cette question. Le sens, c’est toujours orienter l’action ou le temps dans une seule direction imposée par un groupe qui se considère comme le meilleur. Réclamer du sens, c’est faire surgir un monde trop sémantique, trop orienté, c’est faire de l’autre en tant qu’être différent un ennemi, c’est vouloir l’exterminer. Tandis que prôner un monde uniquement anxieux de l’autre, c’est une façon d’accueillir un réel bien plus dynamique. Les sociétés perdues et perplexes ne posent pas de problème. Apporter du sens, c’est se boucher la vue. Si l’on vit avec quelqu’un que l’on aime, si on lui dit : « C’est pour ça que je t’aime, voilà le sens de mon amour », il faut fuir car c’est déjà de la trahison. On n’est pas pour une raison avec quelqu’un, on est face à lui, face à son étrangeté. Le fait de se réunir sur ce qu’on ignore de l’autre est pour moi bien plus important que de prétendre connaître quelque chose de l’autre.

Pascal Quignard (Interview Lire)