La bonne littérature est dérangeante d’une manière qui caractérise rarement les écrits d’histoire et de science sociale. Parce qu’elle provoque des émotions puissantes, elle déconcerte et questionne. Elle inspire de la méfiance face aux piétés conventionnelles et provoque une confrontation souvent pénible avec nos propres pensées et intentions. On peut entendre beaucoup de choses sur les personnes de sa propre société et tenir ce savoir à distance. Les œuvres littéraires qui invitent à s’identifier et à réagir émotionnellement pénètrent ces stratagèmes autoprotecteurs : elles nous demandent d’observer et de réagir à de nombreuses choses qui peuvent être difficiles à affronter, et elles rendent ce processus agréable en nous donnant du plaisir dans l’acte même de la confrontation.
Martha Craven Nussbaum