Partir, dit-on, c’est mourir un peu.
Mais partir d’où, pour aller où, et qu’entend-on par « mourir un peu» ?
Comment le verbe mourir peut-il s’accommoder d’un adverbe de quantité
alors qu’il désigne un événement à chaque fois unique,
définitif, absolument inquantifiable ?
Il en est du verbe mourir comme du verbe aimer :
leur adjoindre un adverbe de quantité, d’intensité ou de manière
revient à en moduler le sens de façon radicale, l’air de rien.
« Il m’aime. Elle m’aime. Je t’aime un peu, beaucoup,
passionnément, à la folie… pas du tout « ,
scandent les amoureux sur un ton enjoué en effeuillant des marguerites.
Mais la désinvolture n’est qu’un masque,
le jeu s’avère bien plus sérieux qu’il n’y paraît
car l’enjeu est extrême en vérité ; il en va présentement, ardemment de l’amour.
On y risque son cœur, sa joie, son plus vif espoir.
L’amour, la mort : on ne badine ni avec l’un ni avec l’autre.
Effeuiller le verbe mourir ainsi qu’une fleur des champs
c’est mettre à nu son propre cœur, ses pensées, son espérance.
Sylvie Germain