Le bonheur

Nous autres, latins, nourris de stoïcisme, abreuvés par Montaigne, inspirés par Proust, nous tentions de jouir de ce qui nous advenait, de saisir le bonheur partout où il chatoyait, de le reconnaître quand il surgissait, de le nommer quand l’occasion s’en présentait. Dès que le vent se levait, en somme, nous tentions de vivre. Les Russes, eux, étaient convaincus qu’il fallait avoir préalablement souffert pour apprécier les choses. Le bonheur n’était qu’un interlude dans le jeu tragique de l’existence. Ce que me confiait un mineur du Donbass, dans l’ascenseur qui nous remontait d’un filon de charbon, constituait une parfaite formulation de la  » difficulté d’être  » chez les Slaves :  » Que sais-tu du soleil si tu n’as pas été à la mine ? « 

Sylvain Tesson

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