Souvent les voyageurs justifient leur départ par leur soif de rencontres. Découvrir l’Autre, s’y frotter, le comprendre, l’écouter et l’aimer : motifs des voyages modernes. Serait-ce qu’à la maison, il n’y a personne digne de soi ? serait-ce que l’exotisme confère à l’étranger une valeur suprême ? Y aurait-il un rapport entre la profondeur des gens et leur éloignement ? un voyage en terres désolées, vides de tout être, n’aurait-il pas d’intérêt ? Je trouve plus honnête d’avouer que je voyage en vagabond enchanté pour le seul bénéfice de mon âme et la pure jouissance de mon corps. Que me frotter à la beauté du monde est mon unique raison de lever les ancres. Que je suis capable de laisser l’autre tranquille pendant des semaines et je me sens d’humeur solitaire. « Partir pour Rencontrer » entend-on ici et là comme si rencontrer l’autre était équivalent à visiter les temples ou goûter la cuisine locale. La rencontre est un bonheur fugace, rare, avare de lui-même. Elle survient sur la route. Surtout ne pas aller vers elle ! Si elle décide de venir, alors elle illuminera notre ciel intérieur sans qu’il n’y ait rien à faire. Comme avec les chats.
Sylvain Tesson