Moi aussi j’ai vécu un destin donné. Ce n’était pas mon destin, mais c’est moi qui l’ai vécu jusqu’au bout… maintenant je ne pouvais pas m’accommoder que ce n’était qu’une erreur, un accident, une espèce de dérapage ou que peut-être rien ne s’était passé…. On ne pouvait jamais recommencer une autre vie, on ne peut que poursuivre l’ancienne… S’il y a un destin, la liberté n’est pas possible, si la liberté existe, alors il n’y a pas de destin… c’est-à-dire que nous sommes nous-mêmes le destin… il m’est impossible de n’être ni vainqueur ni vaincu… de n’être ni la cause ni la conséquence de rien… je ne pouvais pas avaler cette fichue amertume de devoir n’être rien qu’un innocent.
Imre Kertész