Ma vie s’est un peu confondue avec les mots. J’étais devenu une machine à combiner des mots. Mon bonheur et mes chagrins ne dépendaient pas de ma santé, de l’argent, du temps qu’il faisait, de la marche du monde, de l’opinion que mes semblables pouvaient se faire de moi. Ils dépendaient des mots que j’étais capable d’inventer et de ranger dans un ordre dont j’ignorais les règles mais dont je savais avec certitude, entre allégresse et angoisse, qu’il était très loin d’être arbitraire et de relever du hasard.
Jean d’Ormesson