Les ronces de la vie

Les portes sont grandes ouvertes à ceux qui font choix de chercher à se connaître. Mais passé le seuil, le parcours devient périlleux, miné de toutes ces choses que nous refusons de croire, de nos blessures qui grondent à l’unisson. Les ronces de la vie laissent des cicatrices que nous ne voulons pas voir.

Patrice Trigano

L’écrivain

On reconnaît un bon pianiste à son toucher : délicat, puissant, velouté, vivant. Un skieur de talent caresse ainsi la neige et un virtuose d’alpinisme la paroi : peau,ma poudreuse; roche, mon amante. Des mots, un écrivain a un sens suraigu; vous le lisez sensible au rythme, à la musique interne de sa langue, aux sonorités de sa charpente syntaxique, aux voix des voyelles.

Michel Serres

Exclue

Voilà, j’ai trahi mon âge. J’ai quarante-huit ans. Dans la vie d’une femme, ce n’est pas une bagatelle. Toutes ces années pèsent sur mon cœur et ma mémoire comme un sac de pommes de terre. Ce n’est pas très poétique, sans doute, mais c’est vraiment ainsi que je le ressens. La plupart des gens sont des plantes en pot. Ils poussent au dessus de leurs racines. Moi je me sens transplantée, arrachée, exclue pathétique, un rebut qui, un temps, a soigné ses cavités.

Tecia Werbowski (Le Mur entre nous)

Le bonheur

Quand on n’est pas doué pour le bonheur, quand on ne sait pas retenir les belles choses, il vaudrait mieux s’abstenir de les fréquenter, parce que ça se termine souvent mal.

Thomas B. Reverdy

Sa vie dans les livres

Parce qu’elle avait passé sa vie dans les livres, elle ne se forgeait plus d’illusions sur eux, elle savait que les livres mentent, crient, se contredisent ; ils ont la bouche sale, les livres, ils ont trop mangé, trop vomi, trop mâché, trop régurgité, trop baisé, trop étreint. Quand elle entrouvrait un volume, elle en trouvait désormais l’odeur nauséabonde.

Eric-Emmanuel Schmitt

Qu’est-ce qu’on devient ?

Qu’est-ce qu’on devient quand on oublie les connexions enfantines, quand on les range dans un coffre du cerveau et qu’on ferme à clef comme un grenier pour jouets cassés ? Puis, Qu’est-ce qu’on devient quand on a terminé d’être amants, que ça y est, on est casé, que c’est sûr, que ça devient une fatalité ? et encore, Qu’est-ce qu’on devient lorsqu’on laisse s’évaporer nos propres rêves, quand on les regarde s’éloigner comme des petits nuages blancs emportés par la brise, ces fameux rêves qui irriguent l’espoir et toute la machine à pétiller de l’esprit ? Qu’est-ce qu’on devient quand tout ça s’assèche petit à petit que même la notion de jeu devient étrangère et que même l’idée d’adrénaline fait peur ?. .. Qu’est-ce qu’on devient quand on ne se jette plus dans le feu de l’action et qu’on se met à tout trouver sympa au lieu d’aimer vraiment les choses ?

Mathias Malzieu