Tout est en nous

Je crois qu’autour de nous, il n’y a de toutes parts qu’un mot, ce mot immense qui dégage notre solitude et dénude notre rayonnement : Rien. Je crois que ça ne signifie pas notre néant, ni notre malheur, mais au contraire, notre réalisation et notre divination, puisque tout est en nous.

Henri Barbusse

L’observateur

L’observateur, avons-nous dit, constate purement et simplement le phénomène qu’il a sous les yeux. Il ne doit avoir d’autre souci que de se prémunir contre les erreurs d’observation qui pourraient lui faire voir incomplètement ou mal définir un phénomène. À cet effet, il met en usage tous les instruments qui pourront l’aider à rendre son observation plus complète. L’observateur doit être le photographe des phénomènes, son observation doit représenter exactement la nature. Il faut observer sans idée préconçue; l’esprit de l’observateur doit être passif, c’est-à-dire se taire; il écoute la nature et écrit sous sa dictée. Mais une fois le fait constaté et le phénomène bien observé, l’idée arrive, le raisonnement intervient et l’expérimentateur apparaît pour interpréter le phénomène.

Claude Bernard

L’épître

Rares sont les êtres dont la compagnie m’est plus agréable que ne le serait une missive d’eux — à supposer, bien sûr, qu’ils possèdent un minimum de talent épistolaire. Pour la plupart des gens, un tel constat constitue l’aveu d’une faiblesse, d’un déficit énergétique, d’une incapacité à affronter le réel. « Vous n’aimez pas les personnes en vrai », m’a-t-on déjà sorti. Je m’insurge : pourquoi les individus seraient-ils forcément plus vrais quand on les a en face de soi ? Pourquoi leur vérité n’apparaîtrait-elle pas mieux, ou tout simplement différemment, dans l’épître ?
La seule certitude, c’est que cela dépend des êtres. Il y a des gens qui gagnent à être côtoyés et d’autres qui gagnent à être lus. De toute façon, même quand j’aime quelqu’un au point de vivre avec lui, j’ai besoin qu’il m’écrive aussi : un lien ne me paraît complet que s’il comporte une part de correspondance.
Amélie Nothomb

Mensonges

J’inventerais des bijoux de mensonges sertis d’éclats de détail, de splendides minuties qui seraient comme les morceaux d’une musique, des lames d’images nettes, ineffaçables, d’une si parfaite vraisemblance que personne n’aurait idée de douter de mes paroles.
Eleanor Catton

Jongleur de mots

Un écrivain peut finir par devenir un simple jongleur de mots plus ou moins adroit. Il peut en arriver à oublier l’essentiel : cette source qui coule au fond de nous et qui est le véritable lieu de rencontre des êtres.
Janine Boissard