Pour moi, écrire des romans est fondamentalement un travail physique. L’écriture en soi est peut-être un travail mental. Mais mettre en forme un livre entier, le terminer, ressemble plus au travail manuel, physique. Bien entendu, cela ne veut pas dire qu’il faille pour cela soulever des poids, courir vite ou sauter haut. C’est pourquoi la plupart des gens ne voient que la réalité superficielle du travail d’écriture et s’imaginent que la tâche de l’écrivain nécessite simplement de rester tranquillement dans son bureau et de penser. Si vous avez la force de soulever une tasse de café pensent-ils, vous pouvez écrire un roman. Mais une fois que vous essayez de vous y atteler, vous comprenez très vite que ce n’est pas une mission aussi paisible qu’il n’y paraît. Le processus tout entier – s’asseoir à sa table, focaliser son esprit à la manière d’un rayon laser, imaginer quelque chose qui surgisse d’un horizon vide, créer une histoire, choisir les mots justes, l’un après l’autre, conserver le flux de l’histoire sur les bons rails – tout cela exige beaucoup plus d’énergie, durant une longue période, que la majorité des gens ne l’imaginent. Même si le corps n’est pas en mouvement, à l’intérieur de soi s’opère une dynamique laborieuse et exténuante. Chacun de nous, bien entendu, se sert de son esprit (mind) quand il réfléchit. Mais les écrivains endossent un équipement que l’on appelle « l’histoire » ou le »récit » et c’est ainsi vêtus qu’ils pensent, avec leur corps entier. Pour l’écrivain, ce travail nécessite qu’il mette en oeuvre toute son énergie physique et bien des fois qu’il aille jusqu’à se surmener.
Haruki Murakami
ATELIER D’ÉCRITURE AUTOBIOGRAPHIQUE-L’ART D’ÉCRIRE
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