Les phrases qui ne naissent jamais, portées par un ventre, nichées à l’intérieur, tournant et retournant, sans jamais trouver d’issue, au seuil, dans un état intermédiaire, perçues par leur créateur qui ne peut pourtant les énoncer. Décrire la sensation mais devoir s’en contenter car ce qui la produit n’est ni explicite, ni perceptible du dehors. Penser à un récit simple et fourni, efficace et puissant, mais être incapable de le propulser hors du champ de la conception. Le non-écrit pèse comme pierre dans poche. L’histoire bouge du dedans, mollusque informe qui ne parvient pas à se solidifier. Connaître ses ondulations, ses variations, ses mutations indénombrables, mais rien d’autre, essayer de les reproduire de l’autre côté d’où elles pourront s’infiltrer chez un autre, par osmose ou capillarité, et devenir une expérience à dimensions multiples, subsistant à la manière du vécu.
Céline Curiol