– Mais dans l’ensemble, tu te perçois comme un individu doté d’un tempérament de gagnant ?
– Je ne sais pas trop. Je me vois comme quelqu’un qui a mené plusieurs batailles. Qui en a perdu certaines et gagné d’autres. Je dois quand même posséder une force profondément ancrée en moi puisque j’ai survécu à Auschwitz ; ce fut une grande bataille. En tant que chimiste aussi j’ai dû faire face à des défaites, mais j’ai aussi remporté quelques victoires. Et puis, je suis également un écrivain. Je me suis retrouvé à exercer ce métier presque malgré moi. C’était un nouveau chapitre. J’ai été emporté par cette vague de succès – en plusieurs étapes, d’abord en Italie, puis à l’étranger – qui m’a profondément déséquilibré. J’ai fini par me retrouver dans la peau d’un autre.
(Entretien Primo Levi /Giovanni Tesio)