Ecrire, ce n’est pas laisser sa trace en tant que nom, en tant que personne. C’est laisser la trace d’un regard, d’un regard sur le monde. Je comprends bien le désir actuel, chez beaucoup de gens, d’écrire leur vie, sans souci artistique, spontanément. Dans un monde incertain, en mutation, il y a une dispersion de soi et aussi un évanouissement de la mémoire collective qui font que chacun a envie de laisser une trace. On a envie de témoigner. De témoigner de son passage sur Terre. Parce que transmettre la vie au sens biologique ne suffit pas. On voudrait que soient conservées des pensées, des images, des choses insignifiantes même, tout simplement parce que ça a eu lieu. Parce que ça s’est passé. J’ai ce besoin moi aussi. Mais je ne le sépare pas d’un besoin de connaissance. Et écrire, écrire vraiment, c’est viser à la connaissance.
Annie Ernaux