La pensée

Notre obscurité, pourraient-ils nous dire, est cette même obscurité qu’on reprochait à Hugo, qu’on reprochait à Racine. Dans la langue tout ce qui est nouveau est obscur. Et comment la langue ne serait-elle pas nouvelle, quand la pensée, quand le sentiment ne sont plus les mêmes ? La langue pour rester vivante doit changer avec la pensée, se prêter à ses besoins nouveaux, comme les pattes qui se palment chez les oiseaux qui auront à aller sur l’eau. Grand scandale pour ceux qui n’avaient jamais vu les oiseaux que marcher ou voler ; mais l’évolution accomplie, on sourit qu’elle ait choqué. Un jour, l’étonnement que nous vous causons étonnera, comme étonnent aujourd’hui les injures dont le classicisme finissant salua les débuts du romantisme.

Marcel Proust

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