Ce milieu (…) « mezzo », c’est là où on peut toujours s’égarer, toujours se perdre, toujours se tromper à nouveau (…) Il faut faire attention à cela, car la pente naturelle de l’être humain consisterait à se croire sauvé une fois pour toutes, à croire qu’il est dans la vérité alors qu’il s’égare, et qu’il est repris par ses passions. Il me semble que la prudence extrême doit être rappelée ici. Personne ne sait de source sûre s’il est dans la vérité, puisque la vérité chez l’être humain est toujours prise dans la représentation et l’état de conscience. Il faut se mettre en jeu pour savoir ce que la vérité, voilante et dévoilante, propose à chaque instant comme entrée dans le jeu du monde. Car finalement c’est un grand jeu que Dante nous décrit. Sommes-nous en jeu dans ce jeu ou pas ? (…) C’est donc intimement que chacun doit savoir, par expérience, que le milieu du chemin de la vie doit être à chaque instant ré-abordé comme expérimentation. Sans quoi, ce serait tout simple : il y aurait quelque code à observer, un code de la route, un chemin qui mène presque forcément là-haut.
Philippe Sollers