Qui m’apprendra à écrire ? désirait savoir un lecteur.
La page, la page, cette blancheur éternelle, la blancheur de l’éternité que tu couvres lentement, affirmant le griffonnage du temps comme un droit, et ton audace comme une nécessité ; la page, que tu couvres opiniâtrement, que tu détruis mais en affirmant ta liberté et ton pouvoir d’agir, comprenant que tu détruis tout ce que tu touches, mais le touchant néanmoins, parce que agir vaut mieux qu’être là dans l’opacité pire et simple ; la page, que tu couvres lentement de l’entrelacs tortueux de tes viscères ; la page dans la pureté de ses possibilités ; la page de ta mort, à laquelle tu opposes, toutes les excellences défectueuses que peut réunir ta force vitale : cette page t’apprendra à écrire.
Annie Dillard