Ecrit sur ta peau

Le temps que tu as traversé est écrit sur ta peau. Tu es vivant aujourd’hui par le temps que tu as vécu hier. Tu peux mentir, changer de visage ou même de nom, tu seras toujours ce que tu as vécu. Si la personne à laquelle tu parles ne t’entend plus ou si tu n’as plus personne à qui parler, alors tu n’existes plus.
Alexandre Feraga

La mémoire des maisons

Est-ce que les maisons se purgent de leurs ex-habitants avec l’arrivée des nouveaux habitants ? Ou reste-il plusieurs couches de fantômes dans leur mémoire. Comme des papiers peints superposés ? Est-ce que les maisons ont de la mémoire ?
Adriana Lisboa

L’écho des mots

J’ai pris les mots d’assaut. Je les ai érigés en digues, puissantes protections agencées contre mon enlisement. Avec les mots j’ai pu faire comme si je savais. Avec habileté et obstination, j’ai proclamé, distribué des sentences, montrant sans faillir que je savais, tout, presque tout, sur tout. Je disais sans retenue, je pouvais en toutes circonstances montrer que j’avais un avis, n’importe quel avis, peu importait le contenu, il fallait que cela ressemble à une conviction, infiniment construite, une pensée si fortement ancrée, l’autre me regardait émerveillé devant tant d’aplomb et de désinvolture. J’attirais l’attention avec une souplesse enviable, je me donnais à entendre. Pendant la traversée des jours, je posais des mots et des actes tout autour de moi, j’étais visible, vivante.
Qui peut faire le tri parmi tout ce que j’ai mis en ordre apparent. J’ai vécu dissimulée. Je me suis déguisée. Les autres n’ont que peu compté dans cette affaire. Rien ne m’enthousiasmait plus que le miroitement de mon visage dans leurs yeux, et les échos de mes mots. Je me suis imposée à eux pour ne pas tomber dans le vide offensif en mon creux. Il y avait tous ces moments noyés dans le rien, ces flottements menaçants où je prenais la mesure de mon inquiétante vacuité. Alors, avec opiniâtreté, j’installais des mots, des idées, j’empoignais chez d’autres les morceaux de certitude dont j’avais besoin pour inventer et tisser une mise en scène qui puisse être un peu moi.
Anne Révah (Manhattan)

Le sommeil

Ce qui nous rassure du sommeil, c’est qu’on en sort, et qu’on en sort inchangé, puisqu’une interdiction bizarre nous empêche de rapporter avec nous l’exact résidu de nos songes.
Marguerite Yourcenar

Qualité de l’esprit

Je pense, oui je pense avec force et avec ténacité à la victoire de la vérité qui se libère sur les mensonges qui purulent ; de l’authentique sur le toc ; de la connaissance qui se gagne sur l’imbécilité qui se pavane ; et des charmes de la créativité libidinale sur les miasmes inféconds de la perversité. Oui, je pense avec ferveur à la qualité de l’esprit.
Paul-Claude Racamier

Le temps

Le temps est une mécanique étrange. Il a le don merveilleux de se suspendre l’instant d’un regard. J’avais la sensation que mon inconnu me scrutait depuis une éternité. Le dernier soleil de l’automne tamisant son or entre les branches, la douceur trompeuse de l’air chargé de l’odeur sucrée des magnolias, tout autour de moi se figea, gravant à jamais dans mon esprit la douloureuse perfection de cet instant.

Marilou Aznar

Devise cartésienne

La devise que je proposerais au philosophe, et même au commun des hommes, est la plus simple de toutes et, je crois, la plus cartésienne. Je dirais qu’il faut agir en homme de pensée et penser en homme d’action.
Henri Bergson

Bâtisseurs d’histoires

Nous avons tellement besoin d’histoires, de croire en nos histoires, qui sont plus vraies que la réalité. Parce que la réalité ne tient debout, elle n’est vivable que si nous lui inventons une beauté. Bâtisseurs d’histoires, à nous en déchirer le cœur.
Anne-Marie Garat