Parfois, il me semble que les femmes sont des tremplins vers le fabuleux. De la littérature guérisseuse qui fond dans un même souffle drame futile et comédie sérieuse. Ecrivaines pour la plupart non pratiquantes, elles produisent de la prose intérieure destinée à tromper leurs déceptions et à soigner leurs rêves.
Alexandre Jardin
Catégorie : Citations
Regarder ailleurs
Ces premiers mois de première furent des mois de bonheur. J’étais heureuse en classe, encouragée par Mlle Farnie qui soulignait le caractère poétique des mathématiques et soutenait que la poésie existait là où on la cherchait rarement. Cette dernière affirmation me galvanisa ; dans un désir d’être moi-même, de ne pas suivre les personnalités dominantes autour de moi, j’avais pris l’habitude de m’intéresser à ce que les autres dédaignaient, de me détourner délibérément du point de vue général, et je reconnus en Mlle Farnie quelqu’un qui savait regarder ailleurs ou avait du point de vue général une vision différente.
Janet Frame
Ce que j’écris ici ou ailleurs
Ce que j’écris ici ou ailleurs n’intéressera sans doute dans l’avenir que quelques curieux espacés au long des années. Tous les vingt-cinq ou trente ans on exhumera dans des publications confidentielles mon nom et quelques extraits, toujours les mêmes. Les poèmes pour enfants auront survécu un peu plus longtemps que le reste. J’appartiendrai au chapitre de la curiosité limitée. Mais cela durera plus longtemps que beaucoup de paperasses contemporaines.
Robert Desnos (8 février 1944)
J’ai mal à mes mots
J’ai trop souvent mal à mes mots, je ne m’entends pas bien avec eux, on dirait qu’ils sont contre moi… Quand je suis devant quelqu’un que je ne connais pas, mes mots se dérobent, foutent le camp, ne veulent jamais dire exactement ce que je pense ou ce que je sens. Quand ils veulent bien sortir, ils arrivent en pagaille, dans le désordre, comme s’ils prenaient plaisir à s’embrouiller, se mélanger, et me mettent mal à l’aise.
Jacques Salomé
L’inconcevable
Notre conception de Dieu est-elle autre chose de plus que la personnification de l’inconcevable?
Georg Christoph Lichtenberg
La fête des cœurs et des corps
La fête des cœurs et des corps. Ça dure ce que ça dure. Et puis les couleurs pâlissent, les lignes claires se brouillent. Viennent les malentendus, le doute, le ressentiment (j’ai failli mettre ici des points de suspension, je me suis rattrapé de justesse). J’ai l’impression de vivre tout cela avec vous, en virtuel et en accéléré, mais avec toutes les nuances du processus, par exemple celle-ci : en vous écrivant à l’instant, je fais comme si tout allait bien, de la même façon que les couples qui se séparent jouent, le temps d’un répit, sur l’oreiller ou non, la comédie de leur amour fini. Leur été indien. Encore une fois. Une dernière fois. Ils y ajoutent juste leurs larmes.
Jean-Claude Mourlevat
Se perfectionner
Vous savez que je ne puis souffrir que les vieilles gens disent : »Je suis trop vieux pour me corriger. » Je pardonnerais plutôt à une jeune personne de tenir ce discours. La jeunesse est si aimable qu’il faudrait l’adorer si l’âme et l’esprit étaient aussi parfaits que le corps ; mais quand on n’est plus jeune, c’est alors qu’il faut se perfectionner et tâcher de regagner du côté des bonnes qualités ce qu’on perd du côté des agréables. Il y a longtemps que j’ai fait ces réflexions, et par cette raison, je veux tous les jours travailler à mon esprit, à mon âme, à mon cœur, à mes sentiments.
Madame de Sévigné (Lettre à Mme de Grignan]
Ecrire
Ecrire est une navigation sur la terre ferme, la page blanche est une voile qu’ on hisse; les mots, un sillage qui s’efface.
Erik Orsenna
Laisser flotter les choses
Parfois, il faut laisser flotter les choses sans s’attacher exagérément. C’est une discipline. Si on arrive à rester assis tranquillement, on peut voir ses propres pensées tomber comme la pluie.
Michael Greenberg
Les marins
Les marins, savent que leur royaume est mouvant et que dans ce royaume, il n’existe que des vérités humbles, des assurances fragiles.
Erik Orsenna
