Moi aussi, vous savez, j’ai tenté d’écrire. J’ai longtemps cherché dans la phrase des autres, le savoir-faire, cette clôture parfaite qui faisait d’eux des écrivains. Je disséquais ce tissu serré, dense, multiple, j’admirais leur habileté, leur précision. JE rêvais d’apprivoiser la phrase, son rythme et sa texture, mais j’avais trop lu de langues pour croire que j’étais capable d’en inventer une.
– Vous avez renoncé ?
– J’ai continué à lire. Et à rêver. J’ai compris trop tard que la langue n’était pas une affaire de savoir-faire et encore moins de perfection. Qu’est-ce qui donne aux mots les plus usés, aux phrases les plus convenues cette musique souterraine ? Voyez comme les écritures les plus arides, les plus sèches, nous font parfois vaciller. (…)
Delphine de Vigan