Le poète prédestiné

Je pensais que par l’usage lyrique des mots l’homme a le pouvoir de tout transmuer. J’accordais une importance prépondérante à l’imaginaire, substitut du réel et monde qu’il nous est loisible de créer. Le poète m’apparaissait comme un prédestiné, une manière de démiurge à qui il incombait d’effectuer cette vaste opération de transformation mentale d’un univers, vrai dans la seule mesure où l’on veut bien lui attribuer cette vérité.

Michel Leiris

La tristesse des clowns

Avec l’ami Pablo (Picasso), nous méditions sur la tristesse et la tragédie des clowns, quand s’éteignent les derniers rires et qu’ils se démaquillent, seuls dans leur loge. Ce monde, je le peignais à la hâte, comme pour le préserver, le sauver de je ne sais de quel naufrage, quel désastre. J’adorais le music-hall, les fêtes foraines, les manèges et les rêves d’enfance.

François Bott

Des essais timides

Qu’importe de quoi parlent les lèvres, lorsqu’on écoute les cœurs se répondre ? Quelle douceur infinie dans les premiers regards près d’une femme qui vous attire ! D’abord il semble que tout ce qu’on dit en présence l’un de l’autre soit comme des essais timides, comme de légères épreuves ; bientôt naît une joie étrange ; on sent qu’on a frappé un écho ; on s’anime d’une double vie. Quel toucher ! quelle approche !
Alfred de Musset

Théorie de l’ego

L’un de vous a-t-il jamais songé que c’est au moment précis où la notion d’âme s’essoufflait que Freud nous a brandi sa théorie de l’ego ? Quel sens de l’à-propos ! Où a-t-il trouvé le temps de réfléchir ce vieux fou irresponsable ?

Annie Barrows