Supporter sa liberté, pour une femme, est courageux et difficile. Supporter sa liberté pour un homme est parfois courageux, quoique moins difficile. La nuance est de taille mais s’il y a une nuance, même de taille, c’est qu’il y a un lien.
Epousez une profession digne de ce nom, mariez-vous (installez-vous en couple, au minimum), concevez un enfant dans la foulée : et la société vous lâchera. Au sens : vous foutra la paix. Rien de plus pratique et confortable, socialement parlant, que d’obtempérer devant ces trois devoirs fondamentaux (qui peuvent donner le meilleur, cela étant). Mais que l’une de ces conditions ne soit pas remplie (et pire : les trois) : alors profitez de la chance que vous avez de vivre dans un pays libre mais attendez-vous à n’être pas si bien vu que ça et à ce qu’on vous le rappelle tous les jours, même dans le silence d’un relatif tabou.
Je suis écrivain, je me suis toujours refusé (pour le moment du moins) à vivre avec qui que ce soit (il ne s’agit pas là d’un choix par défaut, merci), je n’ai pas d’enfants (sinon quelques-uns que j’aime, très proches de moi mais qui ne sont pas mes enfants) : alors je sais aujourd’hui ce que c’est de supporter ma liberté. D’où l’identification à ces écritures féminines (pas exclusivement mais identification tout de même). D’où sans doute aussi mon admiration pour cette romancière qui n’a cessé de raconter combien la liberté, et notamment celle des femmes, dérange : Jean Rhys.
Arnaud Cathrine