Les circonstances de la lecture font partie de la lecture : aussi bien le livre concret que son apparence, son format, son poids, sa typographie, que le volume d’espace réel au sein duquel nous l’avons lu : un train, un lit, une herbe. Le livre, l’œuvre, est cela pour nous. Il est tout autant que la lettre exacte de son texte, vérifiable en le rouvrant ( et pas toujours compatible avec notre souvenir!), ce que nous en avons retenu (les « circonstances » en font partie). Tout autant que l’immobilité stable de ses mots, dans ses pages, l’allure de nos yeux sur ses lignes, l’intensité variable de notre regard. Mais les livres que nous avons lus « colorent » en retour, d’une manière au moins aussi forte, les lieux et les circonstances dans lesquels nous les avons ouverts.
Jacques Roubaud