L’écriture manuscrite

Les caractères d’imprimerie sont prévisibles, impersonnels. L’information se fixe de manière quasi mécanique sur la rétine du lecteur.
L’écriture manuscrite, elle, résiste, demande du temps pour révéler sa signification, un contact aussi intime que celui d’une peau.
Ruth L. Ozeki

Donnez moi un pourquoi

Loin. Sans réussir à m’en faire une raison. […] En demandant de l’aide aux étoiles. Dehors, sur le balcon, en fumant une cigarette, puis en suivant la fumée jusqu’au ciel, en haut, encore plus haut, au delà.. Là bas, juste là où nous avions été. Combien de fois j’ai nagé dans cette mer nocturne, En haut, en bas, sans arrêt. Avec l’Hydre, Persée, Andromède.. Jusqu’à Cassiopée. Première étoile à droite et puis tout droit, jusqu’au matin. Encore plus loin. Et je demandais à toutes : “Vous l’avez vu ? Je vous en prie.. J’ai perdu mon étoile. Mon île n’est plus. Où est-elle, maintenant ? Que fait-elle ? Avec qui ?” Autour de moi, je n’entends que le silence des étoiles, embarrassées. Le bruit pénible de mes larmes infinies. Et moi, stupide, qui voulais ou espérais trouver une réponse. Donnez moi un pourquoi, un simple pourquoi, n’importe lequel. Mais quelle idiote. C’est bien connu. Quand un amour finit, on peut tout trouver, sauf un pourquoi.
Federico Moccia

L’art

L’art est ce qui nous permet de vivre sans sombrer dans la folie, sans exploser, sans nous transformer en blessure, en malheur, en fusil. Il est ce qui permet malgré tout à l’homme de se pardonner les imperfections de sa condition humaine.

Jon Kalman Stefansson

Il va neiger dans quelques jours

Il va neiger dans quelques jours. Je me souviens
de l’an dernier. Je me souviens de mes tristesses
au coin du feu. Si l’on m’avait demandé : qu’est-ce ?
j’aurais dit : laissez-moi tranquille. Ce n’est rien.

J’ai bien réfléchi, l’année avant, dans ma chambre,
pendant que la neige lourde tombait dehors.
J’ai réfléchi pour rien. À présent comme alors
je fume une pipe en bois avec un bout d’ambre.

Ma vieille commode en chêne sent toujours bon.
Mais moi j’étais bête parce que tant de choses
ne pouvaient pas changer et que c’est une pose
de vouloir chasser les choses que nous savons.

Pourquoi donc pensons-nous et parlons-nous ? c’est drôle ;
nos larmes et nos baisers, eux, ne parlent pas,
et cependant nous les comprenons, et les pas
d’un ami sont plus doux que de douces paroles.

On a baptisé les étoiles sans penser
qu’elles n’avaient pas besoin de nom, et les nombres,
qui prouvent que les belles comètes dans l’ombre
passeront, ne les forceront pas à passer.

Et maintenant même, où sont mes vieilles tristesses
de l’an dernier ? À peine si je m’en souviens.
Je dirais : Laissez-moi tranquille, ce n’est rien,
si dans ma chambre on venait me demander : qu’est-ce ?

Francis Jammes

La lecture des romans

La lecture des romans est un besoin de l’humanité. Elle répond à sa faiblesse qui est la paresse, à sa force qui est le sentiment et l’activité. L’homme est une bouteille de vin mousseux qui aime à éclater et qui n’aime pas à éclater. Il n’aime pas à éclater parce qu’il est paresseux par essence : il passe l’éternité à inventer des moyens de ne rien faire. Il aime à éclater parce qu’il ne veut pas que son contenu le brise. La lecture des romans fait sauter le bouchon sans déranger ni la bouteille ni les bouteilles voisines.

Max Jacob