Des essais timides

Qu’importe de quoi parlent les lèvres, lorsqu’on écoute les cœurs se répondre ? Quelle douceur infinie dans les premiers regards près d’une femme qui vous attire ! D’abord il semble que tout ce qu’on dit en présence l’un de l’autre soit comme des essais timides, comme de légères épreuves ; bientôt naît une joie étrange ; on sent qu’on a frappé un écho ; on s’anime d’une double vie. Quel toucher ! quelle approche !
Alfred de Musset

Théorie de l’ego

L’un de vous a-t-il jamais songé que c’est au moment précis où la notion d’âme s’essoufflait que Freud nous a brandi sa théorie de l’ego ? Quel sens de l’à-propos ! Où a-t-il trouvé le temps de réfléchir ce vieux fou irresponsable ?

Annie Barrows

Modèle désiré

Un seul ennui avec les dieux : dès qu’ils ont assez de fidèles pour croire en eux, ils se mettent à exister. Et ce qui se met à exister ne correspond pas au modèle initialement désiré.

Terry Pratchett (Les Annales du Disque-Monde)

Inachèvement perpétuel

J’ai donné tous les éléments mais je vais m’expliquer quand même. La mise en mémoire de la langue par la poésie, la poursuite d’une mise en mémoire d’une langue par un exercice particulier de la poésie ont une caractéristique commune remarquable : l' »inachèvement ». La poursuite de la langue par la poésie est une poursuite sans fin. Cela est vrai non seulement de la poésie en général, mais de toute poésie, de chacune. La poursuite de la mémoire est également une entreprise inachevable : inachevable par l’humanité ; inachevable, s’agissant de sa propre mémoire, par chacun. La mémoire et la poésie entendue comme mémoire sont marquées toutes deux du signe d’un inachèvement perpétuel.
Jacques Roubaud