Le freudisme, en effet, en inventant l’inconscient, a donné un nouvel élan à l’art de l’introspection. Voilà chaque existence dotée, grâce à cette chambre d’écho inépuisable, d’une profondeur inattendue. Inflation inédite du commentaire : de même que les rêves sont cette profusion d’intrigues que nous offre le cerveau rien qu’en dormant, nos conduites les plus bénignes ont un sens, lapsus et actes manqués transforment les carrières les plus plates en cavalcades tumultueuses. Chacun peut gloser sur soi, plonger dans ses sous-sols, en ramener une provision de fables, d’énigmes qui instaurent une sorte d’embellissement de l’ordinaire. Il n’y a plus d’individus insignifiants, il n’y a que de grands personnages qui ne se connaissaient pas encore et déploient l’opulence psychique d’un Michel-Ange, d’un Borgia ou d’un Shakespeare.
L’art de l’introspection
Pascal Bruckner