Poème de Gabrielle Althen

Et d’un bleu sans archives, antérieur au toucher,

Conserver la mémoire, la mémoire du regard,

La pure mémoire de croire…

Et, au-delà des mûres sèches de nos doigts,

Reconnaître l’épure mise à nu de ce ciel,

Une ligne d’étreinte haute et mauve sur l’abîme

Où un château de roche debout sur le couchant,

Enfance capitale, diapason de l’instant,

Et quand le vent limpide balaye les pins de la mémoire,

Comme un rebord au jour, retrouver la démesure,

La sauvegarde crénelée devant le vide suave,

Ou bien, moins jeune parmi nous, l’éternité s’endort,

O douceur….

Mais toujours

Mais toujours, nous y sommes

Gabrielle Althen

L’automate

Plus nous confierons nos vies à des automates, plus nous aurons tendance à leur ressembler. C’est le même déséquilibre qui se glisse, sans compromis, dans la logique des choses. .. Cherche dans quelle partie de toi s’est nichée l’automate ; tu verras, tu seras surpris.
Ferenc Rákóczy

Le roman

La poésie, sa brièveté, sa fulgurance, c’est le domaine de la jeunesse. Le roman, c’est lourd, suffocant, ce n’est pas fait pour l’impétuosité de la jeunesse.
Patrick Modiano

L’homme et la mer – Baudelaire

Homme libre, toujours tu chériras la mer !
La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame,
Et ton esprit n’est pas un gouffre moins amer.

Tu te plais à plonger au sein de ton image ;
Tu l’embrasses des yeux et des bras, et ton coeur
Se distrait quelquefois de sa propre rumeur
Au bruit de cette plainte indomptable et sauvage.

Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets :
Homme, nul n’a sondé le fond de tes abîmes ;
Ô mer, nul ne connaît tes richesses intimes,
Tant vous êtes jaloux de garder vos secrets !

Et cependant voilà des siècles innombrables
Que vous vous combattez sans pitié ni remord,
Tellement vous aimez le carnage et la mort,
Ô lutteurs éternels, ô frères implacables !

Charles Baudelaire

Le langage

Le langage sert à produire un message, qui ne prend sens que dans la mesure où il y a un destinataire. Je vous parle en ce moment, vous êtes la raison d’être de mon discours. Seuls les fous parlent dans le désert. Encore le fou se parle-t-il à lui-même. Mais un texte, à qui parle-t-il ? À tout le monde !

Laurent Binet (La septième fonction du langage)