Les Petites Choses

L’air résonnait de Pensées et de Choses à Dire. Mais dans des moments comme ceux-là, on ne dit que les Petites Choses. Les Grandes, tapies à l’intérieur, restent inexprimées.

Arundhati Roy (Le Dieu des Petits Riens)

Laideur et beauté

Laideur et beauté sont inextricablement liées ; et s’il ne nous appartient peut-être pas de décider ce qu’il en est pour nous-mêmes, il n’en reste pas moins qu’il faut choisir son camp et que, m’étant découvert ce que je suis, je choisissais celui de la beauté : non pas celle qui est le contraire de la laideur, mais cette insaisissable, cette fugitive beauté qui peut surgir de la laideur elle-même et relève du miracle, voire de l’impossible.

Richard Millet

La solitude

C’est dans l’ennui que s’écrira ma vie, un ennui bâti sur mesure, avec ses îlots pleins de souvenirs, ses lagunes trempées de remords et ses petites églises où ma mémoire se déroule comme une prière. La solitude n’est pas cette punition qu’ont définie les hommes pressés, inintéressants, pour fuir la perspective de n’avoir qu’eux-mêmes à contempler. Elle est une crevasse dans l’espace et le temps, une déchirure dans nos vitesses où, arrogance abolie, valises posées, se crée la possibilité dérisoire et vitale de se proposer comme rempart à la débilité du monde.
Yann Moix (Naissance)

La passion

La passion n’est qu’une chimère créée par les écrivains. Pourquoi rêverais-je de liberté si elle n’est pas le chemin de l’amour ? Puisque l’amour n’existe pas, j’accepte de me faire prisonnière de la vie.
Shan Sa

Croire au hasard

Il faut bien croire au hasard, parce que souvent c’est la seule chose qui peut expliquer ce qui nous arrive. On croit avoir un certain contrôle sur sa vie puis, soudain, tout bascule, tout est chambardé, à cause d’une rencontre fortuite ou d’une simple conversation. Dans certains cas, on peut même appeler ça le destin tellement le changement provoqué est important et profond.
Michel Tremblay

La rêverie

Ce que j’aime dans l’écriture, c’est plutôt la rêverie qui la précède. L’écriture en soi, non, ce n’est pas très agréable. Il faut matérialiser la rêverie sur la page, donc sortir de la rêverie. Parfois, je me demande comment font les autres ? Comment font ces auteurs qui, comme Flaubert le faisait au XIXe siècle, écrivent et réécrivent, refondent, reconstruisent, condensent à partir du premier jet dont il ne reste finalement rien ou presque rien dans la version finale du livre ? Ça me semble assez effrayant. Personnellement, je me contente d’apporter des corrections sur un premier jet, qui ressemble à un dessin qui aurait été fait d’un seul trait. Ces corrections sont à la fois nombreuses et légères, comme une accumulation d’actes de microchirurgie. Oui, il faut trancher dans le vif comme le chirurgien, être assez froid vis-à-vis de son propre texte pour le corriger, supprimer, alléger. Il suffit parfois de rayer deux ou trois mots sur une page pour que tout change. Mais tout ça, c’est la cuisine de l’écrivain, c’est assez ennuyeux pour les autres.

Patrick Modiano

A chaque automne

Il y a des périodes où l’inspiration coule avec vivacité et originalité dans les neurones. C’est ainsi qu’à chaque automne un vent mauvais emporte pour moi les merveilleuses feuilles rousses et mordorées qui tombent en tourbillonnant sur le sol…

Denis Langlois