Nous avons besoin de limites pour essayer de résister aux tentations.
Yasmina Khadra
Mois : novembre 2016
L’affluensemence
Je sais,
sous ta chemise,
tes épaules de terre,
les méridiens d’amour,
lignes de force
de ton dos,
ce qui,
sous mes deux mains,
fait corps avec mes ondes
et j’attends, impatiente,
l’heure de ton torse nu.
L’affluensemence de l’amour
dans le sein du langage
clarifie la phrase
et ouvre la syntaxe à d’autres temps.
Mon frémissant,
nous marcherons ensemble jusqu’à
la rive étrange,
la clarté des regards offensant la lumière.
L’enluminure de nos corps enlacés
ornera le premier mot
de l’autre livre.
Chantal Dupuy-Dunier
Se faire désirer
Grave erreur souvent commise par la gent féminine à qui on enseigne bêtement depuis des siècles et de siècles qu’il faut se faire désirer. C’est tout le contraire : il ne faut surtout pas se faire désirer. L’homme du vingt-et-unième siècle est un être prosaïque et impatient à l’égo hypersensible. Si on lui met un râteau, il se vexe et passe à la suivante.
Marie Vareille
Les yeux grands ouverts
Quiconque a les yeux grands ouverts extrait de tout hasard une signification.
Henry Miller
Des miroirs avantageux
Qui sommes-nous réellement les uns pour les autres? Des miroirs avantageux, qui poétisent nos moindres tares, jusqu’à ce qu’ils soient fatigués de nous rendre plus beaux que nature, jusqu’à ce qu’ils se ternissent ou volent en éclats, brisant notre reflet pour toujours. Et alors on tente en vain de le recomposer, mais les morceaux se mêlent, et notre visage ne sera plus jamais le même. Plus jamais.
Évelyne de la Chenelière
Dans mon vers je suis libre
Dans mon vers je suis libre : il est ma mer.
Ma mer vaste et dénuée d’horizons…
Dans mes vers je marche sur la mer,
je chemine sur les vagues dédoublées
d’autres vagues, et d’autres vagues. Je marche
sur mon vers; je respire, je vis, je croîs
en mon vers et en lui mes pieds ont
un chemin et mon chemin une direction et mes
mains ont de quoi tenir et mon espoir
de quoi espérer et ma vie a son sens.
Je suis libre en mon vers et il est libre
comme moi. Nous nous aimons. Nous nous avons.
En dehors de lui je suis petite et m’agenouille
devant l’oeuvre de mes mains, la
tendre argile pétrie entre mes doigts…
A l’intérieur de lui, je m’élève et je suis moi même.
Dulce Maria Loynaz, poétesse cubaine.
Le problème de l’écriture
Le problème de l’écriture, ce n’est pas la vérité, c’est le courage.
Christophe Donner
Je ne suis que passage
Comment vous parlerais-je
des fruits et de la neige
quand on m’a volé mon jardin
[…]
ami de l’éternel
je ne suis que passage
et je cherche comme toi
un ailleurs oublié
peut-être se cache-t-il
au fond de ton visage
dans le pli qui sépare
tes beaux seins enneigés
Julos Beaucarne (Mon terroir c’est les galaxies)
Les fêlures
En nous tous il y a une fêlure, nous emballons proprement la somme de nos expériences maladroitement collées les unes contre les autres pour nous défendre contre le monde. Et ce qui nous rend humains, c’est que, parfois, nous voyons rouge. Dans ces instants libérateurs, nous sommes plus proches des dieux que nous le soupçonnons.
Mark Lawrence
Le bonheur
J’ai senti le bonheur passer, chez moi, comme un oiseau rare, une espèce rapide, qu’on a peine à identifier parce qu’il file au loin et ne se pose pas.
Christian Oster